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dimanche 19 juin 2011

L'Américain qui Vend des Airbus au Monde Entier


PORTRAIT - Au Salon aéronautique du Bourget, qui ouvre ses portes cette semaine, Airbus a pour habitude d'afficher sa suprématie face à Boeing. Ce que l'on sait moins, c'est que derrière les annonces du constructeur européen officie... un Américain.

La guerre est quotidienne, mais c'est en fin d'année que l'on fait les comptes... Depuis huit ans, le vainqueur est Airbus, autant pour ce qui est des livraisons que des commandes, au détriment de son grand rival Boeing. Et tous les deux ans, au Salon aéronautique du Bourget, le constructeur toulousain met un point d'honneur à multiplier les annonces. Derrière ces ventes record de l'européen officie un... Américain, John Leahy. Qui fut responsable marketing d'un petit constructeur américain, Piper Aircraft, avant de devenir responsable commercial d'Airbus North America en 1985, puis d'Airbus en 1994. C'est là, dans ce pays qui regardait avec beaucoup de circonspection les avions construits à Toulouse, que Leahy a fait ses premières armes et connu ses premières réussites, comme avec Northwest, qu'il a convaincu d'acheter dix A320 et de prendre une option sur 90 autres. Une manière de lui faire tester cet appareil.
«La persistance paye», dit-il aujourd'hui, alors qu'il préside aux destinées commerciales d'Airbus depuis maintenant plus de dix-sept ans. Dans son bureau de Blagnac, la fébrilité à l'approche du Salon est palpable et l'emploi du temps du boss change sans cesse.
Chaque fois que des négociations qui s'annonçaient brèves perdurent, son secrétariat modifie son planning car John Leahy ne lâche jamais prise et a réponse à tout. D'où la rumeur voulant que le staff de Boeing démarre chaque semaine en se demandant: «Où est Leahy aujourd'hui?» Le personnage est toutefois peu connu en France, tant il est attaché à Toulouse, où il a emménagé avec femme et enfants, se tenant soigneusement à l'écart de l'establishment parisien. «Je ne suis le patron ni d'Air France ni de Renault, alors je n'ai pas besoin de cela.» Ce qui lui a permis aussi de traverser sans encombre les multiples turbulences qui ont agité la direction d'Airbus. Même s'il reconnaît aujourd'hui avoir été dans une position inconfortable en 2006, au moment de la grande guerre franco-allemande au sein d'Airbus. Sa longévité fait l'admiration de Richard Branson, le patron de Virgin, que Leahy avait convaincu de s'équiper avec des Airbus. «S'il y a eu aussi peu de portraits de moi, c'est que je n'y consacre aucun temps. Pour faire une présentation de mes produits, je peux courir le monde, pas pour une interview. Même problème avec la langue française, avoue-t-il. Je n'ai jamais pu m'y mettre car mes journées sont bien remplies.»

«L'infatigable Américain», comme on l'appelle à Toulouse

On n'est pas impunément le directeur commercial d'Airbus, surtout dans un domaine où, par choix historique, l'anglais est la langue de travail. Ce qui n'empêche pas Leahy d'avoir un véritable attachement pour notre pays. «La France est un pays extraordinaire, dit-il en souriant. Aucun autre pays n'a autant de talk-shows où défilent les spécialistes en tout genre. Et je ne connais aucun autre pays où l'on peut rester trois heures à table à parler de politique et de culture. Mais c'est peut-être une bonne chose. Regardez un avion, c'est un mélange de technologie et d'esthétique. Il suffit de faire le tour d'un A380 pour être sidéré, comme devant une toile de maître.»
Quand, en 1994, Jean Pierson, l'emblématique patron d'Airbus, proposa à Leahy de s'installer à Toulouse, se posa le problème d'une école internationale pour ses enfants. «Ils avaient 6, 10 et 12ans et ne parlaient pas le français, se souvient John. Depuis, Airbus a remédié à la difficulté en créant l'une des meilleures écoles qui soient, ce qui facilite la venue à Toulouse de cadres du monde entier.»
Lever à l'aube, quelques exercices histoire de garder une ligne mise en danger par les multiples repas d'affaires auxquels sa fonction l'oblige, et direction Blagnac au volant de sa Mercedes hybride. À son bureau, ses deux équipes de secrétaires se relaient. On est au cœur stratégique d'Airbus, là où se préparent tous les contrats d'achat. C'est ici qu'est monté en puissance le constructeur européen, qui a réussi en trente ans à devenir le premier constructeur mondial d'avions civils, devant son concurrent Boeing.



John Leahy connaît tous les dossiers, tous leurs rouages, même les plus petits, ce qui surprend toujours ses interlocuteurs. Mais, pour certains, il a été littéralement enragé. Comme quand il a voulu convaincre Qantas, la compagnie australienne. Ainsi, il a fait le voyage à de nombreuses reprises, partant le lundi soir vers Londres et Singapour puis Sydney et revenant dans la nuit du jeudi pour être à pied d'œuvre à Toulouse le vendredi matin. Aujourd'hui, Qantas vole avec des A380 et des A330. «Il ne connaît pas de répit», confirme le patron de Cathay Pacific, la compagnie basée à Hongkong. «Quand j'ai été engagé, mon objectif était qu'Airbus atteigne 50% de parts de marché. Nous y sommes arrivés», ponctue «l'infatigable Américain», comme certains l'appellent à Toulouse.
Dans le petit avion privé qui nous mène de Toulouse vers Broughton, en Angleterre, un site d'Airbus spécialisé dans la fabrication des ailes, John Leahy relit sa présentation. Le directeur commercial d'Airbus a en effet décidé de porter la bonne parole aux cadres de l'entreprise. Comme celle-ci est répartie sur plusieurs pays, France, Grande-Bretagne, Allemagne, il multiplie les sauts de puce. Son but: fêter les 10.000 avions vendus en quarante ans. «Il nous a fallu trente-quatre ans pour vendre les 5000 premiers Airbus et seulement six ans pour vendre les 5000 suivants», lance-t-il à son auditoire.

Leahy a réussi à s'engouffrer dans le low cost

Mais à Broughton, John a une autre idée en tête: il veut galvaniser ses troupes pour qu'elles mettent toute leur énergie sur le projet d'Airbus A320neo, un appareil qui doit économiser 15% de carburant mais dont il faut repenser les moteurs. Chaque semaine gagnée est une longueur d'avance prise sur Boeing et un atout commercial que John ne veut pas laisser passer. Dans la salle, un mélange de cols bleus et de cols blancs. «Essentiel car nous sommes dans un métier de haute technologie, et les ingénieurs qui font de la recherche et du développement sont aussi importants que ceux qui construisent.» Les déboires de l'A380 sont là pour confirmer ses dires. Avion génial sur le papier, il se révéla difficile à construire car le processus industriel des Allemands de Hambourg n'était pas le même que celui des Français de Toulouse. Et quand on sait que chaque appareil d'Airbus est un assemblage de morceaux fabriqués aux quatre coins de l'Europe, on imagine la difficulté.
«Vendre un avion, ce n'est pas uniquement une question de prix, explique Leahy. Il y a, bien sûr, la technologie de l'appareil et aussi notre aptitude à bien la servir une fois la vente conclue. Nous faisons des concessions, mais pas forcément sur le prix. L'important, c'est que nos avions correspondent aux besoins de la compagnie», confie le patron. «John a une grande faculté de compréhension», a déclaré à l'agence Reuters le patron d'Indigo, Rakesh Gangwal, dont la compagnie a terminé l'année 2010 en annonçant l'achat de 180 avions.
Leahy a même réussi à s'engouffrer dans le marché des low cost. Alors que Ryanair et Southwest, les deux low cost les plus importantes, avaient basé leur business modèle sur le 737, il a su convaincre EasyJet en 2002 d'acquérir des A319, qui seront spécialement aménagés avec une issue de secours supplémentaire rendue nécessaire par la densification des sièges. Air Berlin ou Air Asia suivront. Mais son prochain objectif, c'est l'Amérique. Les contrats d'exclusivité que certaines compagnies aériennes comme American Airlines ou Southwest avaient signés avec Boeing vont arriver à expiration, Airbus compte bien investir ces mastodontes du transport aérien. Et si, aujourd'hui, Leahy a souvent la dent dure envers le constructeur américain, c'est parce qu'il a pris la «décision de parler de Boeing franchement».
A la sortie de l'A320, face au 737 de Boeing qui faisait alors l'unanimité sur le marché des avions de 150 places, «tout le monde a rigolé, se souvient John devant son auditoire anglais. On nous avait prédit que nous ne pourrions jamais en vendre 700, nous en sommes à 7000 aujourd'hui. Je vous remercie d'avoir fait de nous le plus grand fabricant d'avions du monde, poursuit-il devant ses troupes, sûr de son effet, avant d'ajouter: Nous surveillons de près les erreurs du passé pour ne pas les réitérer.» Grand seigneur à l'extérieur, il sait aussi manifester sa mauvaise humeur quand l'entreprise dérape. «Quand on est pris dans une telle effervescence, il est difficile de s'arrêter», reconnaît Leahy, qu'un accident cardio-vasculaire a toutefois «un peu calmé». Et incité à partir en vacances avec sa femme pour une croisière sur le canal de Panamá. Sans renoncer, néanmoins, à une connexion internet...
source: Le Figaro.fr



 

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