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samedi 9 juillet 2011

L’indépendance du Sud-Soudan, une chance pour les femmes ?

Interview de Jean-Pierre Marigo, chef de mission au Sud-Soudan pour Médecins Sans Frontières

Après des années de conflits avec le nord du pays, le Sud-Soudan devient, ce 9 juillet, un état indépendant. Mais les chantiers sont énormes. Les femmes, qui représentent 65 % de la population du pays, sont les premières victimes d’une situation sanitaire déplorable : une Sud-Soudanaise sur sept meurt en couches. État des lieux avec Jean-Pierre Marigo, chef de mission pour MSF à Juba.
Lefigaro.fr/madame. - MSF pilote depuis 2007 un programme à l’hôpital d’Aweil, dans l’État du Nord-Bahr el-Ghazal. C’est la seule structure de soins pour 780 000  habitants. À quoi ressemble une journée dans cet hôpital ?Jean-Pierre Marigo. - Le projet de MSF est concentré sur les soins à apporter aux mères et aux enfants. Nous faisons des accouchements, du suivi gynécologique et de grossesse, avec ou sans complications, et des césariennes en cas d’extrême urgence.

Nous sommes aussi responsables du service pédiatrique. Depuis que nous sommes là, le taux de mortalité infantile à l’hôpital est tombé de 20 % à 5 %. Le troisième volet de notre travail, c’est d’apporter un service auprès des enfants mal nourris, un problème endémique dans l’ensemble du Sud-Soudan.

Les femmes – notamment enceintes – viennent-elles facilement à l’hôpital ou attendent-elles le dernier moment ?D’un point de vue culturel, les femmes accouchent chez elles, dans des conditions plus que précaires. L’an dernier, on a fait 2 600 accouchements à l’hôpital, ce qui représente 10 % du nombre global pour tout l’État. Au village, elles sont assistées par d’autres femmes qui font office de sages-femmes et ont appris les gestes sur le tas ou se forment entre elles. Avec pour seuls instruments quelques kits de stérilisation distribués par les Nations unies. Donc, les patientes arrivent souvent tard à l’hôpital. Il faut dire aussi que l’accès est compliqué : il n’y a qu’une centaine de kilomètres de routes goudronnées pour tout le Sud-Soudan et l’État du Nord-Bahr el-Ghazal est très étendu.

 




“70 % des postes médicaux ne sont pas pourvus”

Qu’en est-il de la question du personnel ? Formez-vous des locaux chez MSF ?C’est notre problème majeur : recruter du personnel qualifié pour faire fonctionner l’hôpital. Pendant les années de conflits, les jeunes ne sont pas allés à l’école, beaucoup de Sud-Soudanais ont été déplacés, il n’y a plus de centre de formation. Aujourd’hui, on ne trouve pas d’infirmiers, pas de laborantins et surtout pas de spécialistes. MSF travaille ici depuis plusieurs décennies, mais nous avons recruté notre premier médecin sud-soudanais, il y a seulement trois mois. C’est une femme qui a fait ses études au Kenya. Il n’y a pas de faculté de médecine au Sud-Soudan. Une école pour laborantins a été ouverte, il existe une ou deux écoles de sages-femmes, et c’est tout. Selon le ministère sud-soudanais de la Santé, 70 % des postes médicaux ne sont pas pourvus. Alors, on compense par du personnel international. Mais le besoin est si énorme que l’on a dû mettre en place un programme de formation renforcé des locaux.
Une faculté de médecine pourrait-elle voir le jour dans le Sud-Soudan indépendant ?Le ministère de la Santé a édité un plan de stratégie sur les cinq prochaines années, dans lequel il évoque les institutions de formation. Mais cela prendra encore plusieurs années.
Près de 90 % des Sud-Soudanaises ne savent ni lire ni écrire. Comment résout-on au quotidien, dans un hôpital, le problème du manque d’éducation, quand on laisse aux patients des médicaments, et donc des notices d’utilisation ?Des agents communautaires font des réunions d’information et de sensibilisation. On donne peu de médicaments et seulement sur des périodes courtes, avec des prescriptions simples. Pour éviter que l’ignorance entraîne des erreurs, des échanges, des surdoses… on a aussi recours aux pictogrammes.



Une large majorité de femmes a voté oui au référendum avec l’espoir d’une amélioration

Personnellement, êtes-vous optimiste sur les chances du pays de décoller, notamment sur le plan économique ?Il y a une réserve de pétrole importante : les trois quarts des réserves du Soudan sont situées dans le Sud. Mais l’Histoire nous a déjà montré que les ressources naturelles sont des sujets de conflits. J’essaye d’être le plus optimiste possible. C’est une chance pour les Sud-Soudanais de pouvoir gérer leur destin. Une large majorité de femmes a voté oui au référendum avec l’espoir d’une amélioration. Mais quand on regarde la situation actuelle, il y a de quoi se poser des questions. Quelques progrès sont à noter, mais la différence entre l’effort fait et les besoins sanitaires est énorme. Il y a aussi une recrudescence de violences au niveau des frontières. Et la future Constitution est déjà controversée par la société civile. Elle est critiquée notamment par les femmes parce que les garanties d’une meilleure considération leur semblent insuffisantes.
source:Madame Le Figaro.fr



 

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