Islamabad menace de réviser sa coopération dans la lutte antiterroriste avec les Etats-Unis et l'Otan après la mort, samedi, dans un bombardement de l'Alliance de 24 de ses soldats. C'est la pire bavure des Occidentaux depuis 10 ans.
Les condoléances de l'Otan comme les déclarations d'estime des Etats-Unis n'ont pas apaisé le Pakistan après la mort, samedi, dans un bombardement de l'Otan de 24 de ses soldats à la frontière avec l'Afghanistan. Islamabad a fait part dimanche à Washington de son «profond sentiment de fureur» et de son intention de réviser sa coopération dans la lutte antiterroriste contre les talibans et al-Qaida. «De telles attaques sont totalement inacceptables, elles démontrent une indifférence totale à l'égard du droit international et de la vie humaine», a protesté la ministre pakistanaise des Affaires étrangères Hina Rabbani Khar dans un entretien téléphonique avec son homologue américaine Hillary Clinton.Des hélicoptères et avions de chasse de l'Otan ont bombardé, samedi, avant l'aube deux postes de l'armée côté pakistanais dans le district de Khyber, une des zones tribales bordant l'Afghanistan. Les hommes de l'Alliance opérant côté afghan avaient en effet réclamé un soutien aérien».Les check-point attaqués avaient été implantés par l'armée pakistanaise pour empêcher des talibans en provenance d'Afghanistan de franchir la frontière et perpétrer des attaques en territoire pakistanais.
Les mesures de rétorsion du Pakistan n'ont pas tardé. Le trafic des convois de ravitaillement de la force de l'Otan en Afghanistan (Isaf), dont la plus importante partie transite par le Pakistan, a été interrompu. Le gouvernement a aussi exigé des militaires américains qu'ils quittent dans les 15 jours la base de Shamsi dans le sud-ouest du pays. Une demande déjà faite après la mort d'Oussama Ben Laden en mai. Réuni en un Comité de défense (DCC) de crise avec l'armée, l'exécutif a annoncé qu'Islamabad allait «complètement reconsidérer tous ses programmes, activités et accords de coopération avec les Etats-Unis, l'Otan et l'Isaf, y compris diplomatiques, politiques, militaires et dans le renseignement».
Incident similaire en septembre
L'Isaf et les Etats-Unis ont adressé dès samedi au Pakistan leurs «plus sincères condoléances» et promis une «enquête rigoureuse» sur les circonstances de cette bavure, la pire des Occidentaux au Pakistan depuis dix ans. Des excuses répétées dimanche. Le secrétaire général de l'Alliance, Anders Fogh Rasmussen a écrit au premier ministre du Pakistan que ces 24 décès «étaient tout aussi inacceptable et regrettable que les morts de soldats afghans ou internationaux». Hillary Clinton et le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta ont eu beau souligner «l'importance» des liens entre Washington et Islamabad, le ton n'avait pas changé dimanche côté pakistanais, où l'incident a envenimé encore davantage les relations entre les deux pays, déjà très tendues depuis l'élimination en mai, par les Navy Seal américains, d'Oussama Ben Laden sur le territoire pakistanais.Le Pakistan a plusieurs fois dénoncé des violations de son espace aérien par l'Isaf. La dernière crise remonte à septembre dernier, lorsqu'Islamabad avait accusé la force d'avoir tué trois soldats pakistanais. Islamabad avait alors déjà ordonné le blocage des camions de ravitaillement de l'Otan. Fermée pendant près de deux semaines, la frontière leur avait été rouverte après que les États-Unis se furent formellement excusés. Une grande majorité du ravitaillement de l'Otan en Afghanistan est acheminée par bateau à Karachi (sud), principal port du Pakistan, puis par la route jusqu'en Afghanistan via Peshawar et la passe de Khyber ou via Quetta et la ville frontière de Chaman (sud-ouest).
Les zones tribales du nord-ouest du Pakistan sont le bastion des talibans et le principal sanctuaire d'al-Qaida dans le monde. Les États-Unis, qui fournissent les deux tiers des troupes de l'Otan en Afghanistan, les bombardent régulièrement à l'aide notamment de drônes. Islamabad ne proteste que mollement contre ces tirs qui tuent en grande majorité des combattants rebelles, qui sont pour certains en guerre contre le gouvernement pakistanais. Le Pakistan les dénonce en revanche plus fortement lorsqu'ils font des victimes civiles. Les Américains accusent régulièrement leur allié pakistanais de jouer un double jeu et de soutenir clandestinement les rebelles talibans pour défendre ses intérêts stratégiques en Afghanistan, où l'Otan prévoit de retirer l'ensemble de ses troupes de combats d'ici la fin 2014.
source: Le Figaro + d'autres agences