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samedi 10 mars 2012

Nicolas Sarkozy veut séduire l'électorat pied-noir

Crédits photo : PHILIPPE WOJAZER/REUTERS

À Nice, le chef de l'État évoque une «dette» de la France envers les harkis mais ne veut pas de repentance.

Opération séduction. À quarante-cinq jours du premier tour de la présidentielle, et à dix jours du cinquantième anniversaire des accords d'Évian mettant fin à la guerre d'Algérie, Nicolas Sarkozy veut reconquérir les rapatriés d'Algérie, qui avaient massivement voté pour lui en 2007, séduits notamment par sa promesse de reconnaître «officiellement la responsabilité de la France dans l'abandon et le massacre des harkis». Un engagement que certaines associations lui reprochent de ne pas avoir tenu.
Arrivé sous un doux soleil, avec sa secrétaire d'État Jeannette Bougrab, fille de harki, Nicolas Sarkozy a pris son temps, vendredi. Il a d'abord visité une entreprise de déménagement fondée par une famille de pieds-noirs, à La Trinité, près de Nice. Loin des thèmes régaliens scandés toute la semaine par le candidat depuis son meeting de Bordeaux, la petite-fille du fondateur de l'entreprise attendait le président de pied ferme sur d'autres sujets: «Je n'ai qu'un message à lui faire passer: on a besoin de travailler, c'est tout, a-t-elle lancé. La conjoncture est très difficile. Le gasoil augmente, les autoroutes aussi, mais les prix stagnent et les entreprises ont des problèmes.»
D'emblée, le chef de l'État a écarté l'idée de «repentance». Tout en reconnaissant que la guerre d'Algérie et ses conséquences, notamment pour les harkis, étaient une page noire de notre histoire. «Tout ceci est en train de s'apaiser», a-t-il assuré, à côté d'un camion de déménagement barré de l'inscription «Ménagez-vous, nous déménageons».

«Vous serez réélu!»

Sarkozy a ensuite longuement écouté des représentants de la communauté pied-noire et harkie, devant un thé à la menthe et des pâtisseries. «Une partie de la communauté vous est fidèle, commence l'un d'eux. Mais il reste une petite partie dont on n'a pas réglé les problèmes. Enfin, tout ceci n'est pas grand-chose dans la tâche qui vous attend… Car je suis persuadé que vous serez réélu!» «Nous partageons vos valeurs, l'amour de la France, l'ardeur au travail et la volonté de réussite», lance un autre. Le teint gris et les traits tirés par la fatigue, Sarkozy savoure, en silence.
Plus virulent, un autre interlocuteur évoque le souvenir de son père harki, qui n'a pu être enterré à Nice, où il n'y a pas de carré musulman. «Le halal fait la une, mais on n'est même pas capable d'enterrer un musulman qui a défendu la cause de la France!», s'indigne-t-il. «Ils ont souffert et ont besoin de s'exprimer, on aurait pu parler trois heures!», confie Sarkozy.
Le président a rappelé qu'il avait 10 ans dans les années 1960 et qu'il appartenait à la première génération n'ayant pas vécu la guerre d'Algérie. «Ce que je connais de l'Algérie, c'est Camus», a-t-il résumé.
Le candidat s'est défendu de vouloir capter le vote des rapatriés. «Il ne faut pas parler à une communauté, mais à des citoyens», a-t-il justifié. Il se dit toutefois persuadé que les rapatriés ne voteront pas autant que par le passé pour le FN: «Marine Le Pen n'est pas Jean-Marie Le Pen. Lui était un acteur de cette histoire d'Algérie.» Réponse du vice-président du FN, Louis Aliot: «Nous rappelons à ce marchand de promesses qu'il est en responsabilité depuis 2007 et qu'il n'a respecté aucune de ses paroles sur le sujet.»

«Une dette»

S'exprimant plus tard au Centre universitaire méditerranéen (CUM), devant des associations de rapatriés et de harkis, Sarkozy a troqué son habit de candidat pour celui de président et reconnu que la France avait une «dette» envers les harkis: «Ces hommes ont été fidèles à la France (…) puis exposés aux pires représailles. L'administration française n'a rien fait pour faciliter leur départ (…) Je suis venu porter témoignage de cette injustice pour que vous-mêmes, les descendants de harkis, vous puissiez pardonner ce qui est arrivé à vos parents.»
Le président a toutefois nuancé: «Nous, les autorités, nous avons une dette à l'endroit des harkis (…) mais je ne veux pas que cette dette soit portée par une communauté nationale qui n'y était pour rien.»
Comme pour oublier les manifestations de Bayonne, Sarkozy a serré avec délectation les mains des militants UMP venus l'acclamer sur la Promenade des Anglais. «Cette campagne va réserver les plus grandes surprises depuis des décennies, a lancé le président candidat, qui a promis des «rebondissements»
source: Le Figaro.fr