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mercredi 2 mai 2012

DSK : feu vert pour un procès civil aux États-Unis

L'immunité diplomatique n'a pas été reconnue à l'ex-patron du FMI qui demandait que soit classée la plainte de Nafissatou Diallo.

Un proverbe japonais - «Une réputation d'un millier d'années peut être déterminée par la conduite d'une heure» -, issu du rapport annuel 2011 du Fonds monétaire international (FMI) est cité en exergue de la décision rendue mardi par le juge Douglas McKeon du tribunal du Bronx. Comme un rappel philosophique avant le refus de classer sans suite la procédure civile engagée par Nafissatou Diallo contre Dominique Strauss-Kahn. Le magistrat rejette en effet l'idée, développée par la défense de DSK, que celui-ci ait pu être protégé par une «immunité absolue» comme directeur général du FMI lors des événements du 14 mai 2011 au Sofitel. Sauf nouvelles tentatives des avocats de DSK, la réponse du juge McKeon ouvre la voie aux préparatifs d'un procès civil.

Tentative désespérée

À l'audience, le 28 mars dernier, le magistrat avait semblé plutôt sceptique face à l'argumentation juridique des avocats de l'ancien ministre qui se fondaient sur une convention internationale de 1947 sur les agences des Nations unies. Il estime en effet qu'en démissionnant volontairement du FMI le 18 mai, DSK renonçait ainsi à toute forme d'immunité. Il s'étonne en outre que cette immunité n'ait pas été invoquée lors de la procédure pénale engagée après la tentative de viol dont s'est plainte la femme de chambre du Sofitel. Les conseils de l'ex-patron du FMI avaient expliqué qu'il s'agissait alors de blanchir leur client de tout soupçon et, donc, de laisser la procédure suivre son cours jusqu'à l'abandon des poursuites. Argument auquel le juge McKeon réplique: «M. Strauss-Kahn ne peut pas d'abord fuir l'immunité afin de tenter de laver son honneur pour mieux l'invoquer ensuite afin de tenter à présent d'empêcher Mme Diallo de laver le sien», note le magistrat à la fin de sa décision de 12 pages. Au passage, Douglas McKeon égratigne encore la stratégie de DSK, la qualifiant de «Hail Mary pass» - une tentative désespérée selon une métaphore empruntée au football américain…
Pour l'avocat franco-américain Christopher Mesnooh, «le juge a pris soin de motiver, par la jurisprudence américaine et le droit international, une décision assez tranchée». La défense de l'ancien responsable socialiste dispose encore de plusieurs parades théoriques: faire appel du jugement ou demander un dépaysement de l'affaire dans une autre juridiction de l'État de New York. C'est Nafissatou Diallo qui avait choisi le tribunal du Bronx, réputé proche de la communauté noire et généreux en dommages et intérêts. Mardi, les défenseurs de DSK se sont simplement déclarés «déçus», assurant que leur client était «déterminé à combattre les allégations faites contre lui». De leur côté, les avocats de l'employée du Sofitel disent «attendre avec impatience le moment où Strauss-Kahn devra rendre des comptes sur l'agression sexuelle brutale qu'il a commise». «Si nous en croyons nos confrères, nous pouvons penser qu'ils ne feront pas appel et que nous pourrons avancer rapidement et fixer une date pour le procès, a expliqué mardi Me Douglas Wigdor, conseil de Nafissatou Diallo, au Figaro. Nous devrions pouvoir interroger M. Strauss-Kahn dans les prochains mois et le procès pourrait se tenir dans environ un an.»

Arrangement financier

Pour le moment, aucun des deux camps ne baisse la garde et ne donne le signal d'un apaisement qui pourrait ouvrir la voie à une transaction financière, issue de 80 % des procédures civiles aux États-Unis. De toute façon, toute éventuelle tentative d'arrangement financier ne sera pas rendue publique, du moins dans les premiers temps. «Nous gardons cette option et nous l'explorons», avait laconiquement indiqué le juge McKeon en mars. Dans la phase dite de «discovery», préparatoire au procès et qui durera au minimum plusieurs mois, DSK pourra être interrogé sous serment par le camp Diallo. Le juge devra également dire quels types de témoignages peuvent être produits contre lui. Les avocats de DSK devraient en effet tenter de faire écarter «les nombreux témoignages de femmes agressées» que les conseils de Nafissatou Diallo pourraient vouloir produire.
source: Le Figaro