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lundi 27 août 2012

New York au rythme des parades

Kilt, sporran accroché à la ceinture et cornemusede rigueur pour la parade du Tartan Day. En 1998, leSénat officialisait la date du 6 avril pour célébrer les liens historiques qui unissent la communauté écossaisedes États-Unis à son pays d'origine.


Tout au long de l'année, les New-Yorkais défilent pour manifester leur appartenance à une nation, une religion ou une communauté. Drôles, sérieuses, iconoclastes, ces parades colorées sont un hommage aux racines multiculturelles de la ville.

Une marée verte déferle depuis 11 heures du matin sur Manhattan. Chaque 17 mars, près de 2 millions de New-Yorkais marchent sur la 5e Avenue pour célébrer la Saint-Patrick, le saint patron de l'Irlande. Au pied des gratte-ciel du Rockefeller Center, les cortèges de policiers, pompiers, majorettes se succèdent au son de la cornemuse et des roulements de tambour. Coiffé d'un chapeau pointu orné de trèfles, le visage peinturluré aux couleurs du drapeau irlandais (vert, blanc, orange), Jack O'Rourke joue les guides: «La première Saint-Patrick a eu lieu en 1762, soit quatorze ans avant la déclaration d'indépendance des États-Unis, et c'était à New York! Oui, Monsieur!» Ce barman, dont les grands-parents ont immigré aux États-Unis dans les années 20, sait mettre l'ambiance. «Vous avez déjà bu de la bière verte? Venez goûter! Ne soyez pas timides!» lance-t-il à la cantonade.
À New York, il est interdit de boire de l'alcool dans la rue. La dégustation se passe au pub. «Autrefois, la Saint-Patrick était une fête catholique réservée aux Irlandais. C'est devenu une célébration ouverte à tous ceux qui aiment se déguiser en vert, chanter, danser et boire», s'enthousiasme Jack. Difficile de le contredire. En témoignent les badges «Aujourd'hui, je suis irlandais», accrochés aux écharpes de milliers de New-Yorkais. Pour la bonne société irlandaise de New York, il en va pourtant autrement. Les organisateurs, réunis au sein de la Société historique américaine irlandaise, refusent que les gays d'origine irlandaise prennent part au défilé. Farouchement opposé au mariage homosexuel, Timothy Dolan, archevêque de New York, est désormais dans le viseur de la communauté gay. Celle-ci s'est offusquée que la mairie participe au financement des travaux de rénovation de la cathédrale Saint-Patrick, d'un montant de 177 millions de dollars (145 millions d'euros).

Une façon de montrer sa fierté pour ses origines

À l'instar des Irlandais, chaque groupe d'immigrants a sa parade. Nouvel An lunaire pour les Chinois, Fête de San Gennaro pour les Italiens, Pulaski Parade pour les Polonais, Steuben Parade pour les Allemands, Tartan Day pour les Écossais... Tout au long de l'année, les New-Yorkais défilent pour manifester leur appartenance à une nation, une religion ou une communauté. Une façon de montrer sa fierté pour ses origines, tout en rendant hommage aux racines multiculturelles de la ville. Terre d'élection des immigrés, New York est un singulier melting-pot. Au gré des vagues d'immigration, Grecs, Mexicains, Haïtiens, Philippins, Pakistanais sont, chacun à leur tour, descendus dans les rues pour parader. Pour les derniers arrivés, il s'agit de s'intégrer.
Si New York est une ville plurielle dotée d'une étonnante capacité d'assimilation, celle-ci ne s'est pas construite sans heurts ni violence.Le film West Side Story met en scène la rivalité entre deux gangs de jeunes New-Yorkais, les Sharks (Portoricains) et les Jets (Irlandais, Polonais, Italiens). Dans les années 50, les comptes se réglaient à coups de couteau. Jugés alors inassimilables, les Portoricains prennent aujourd'hui leur revanche. Ce 10 juin, la 5e Avenue leur appartient. Des couples dansent la salsa sur les chars de carnaval, drapeau rouge, blanc et bleu à la main. En tête de cortège, Felix, originaire du Bronx, brandit fièrement le portrait de Sonia Sotomayor, première Latino à être nommée présidente de la Cour suprême en 2009. «On aurait voulu qu'elle soit à nos côtés! s'exclame-t-il. Je suis très fier d'elle, d'autant qu'elle a grandi dans mon quartier.»
Si les parades sont une occasion d'afficher sa réussite avec ostentation, elles sont également le reflet des tensions que traverse la société américaine. Après le 11 septembre 2001, les musulmans ont défilé sur la pointe des pieds. «Pendant longtemps, les musulmans américains n'ont pas osé prendre la parole. Ceux qui ne connaissaient pas l'islam en ont profité pour les stigmatiser. La Muslim Day Parade leur permet de se rassurer», analyse Akbar Ahmed, professeur à l'université américaine de Washington. Le sentiment de malaise qui habite la communauté musulmane reste vif. Au plus fort de la polémique sur la construction d'un centre culturel musulman près de Ground Zero (été 2010), les imams afro-américains, pakistanais, syriens et sénégalais défilaient côte à côte pour rappeler que l'islam n'est pas une religion monolithique violente. Un symbole invisible pour les protestataires scandant des slogans islamophobes, Constitution américaine en main.
Une ambiance électrique que l'on retrouve le jour de la parade d'Israël. Lancée en 1964, cette célébration, qui se tient le long de Central Park, est la plus grande manifestation de soutien à Israël dans le monde. Ce 3 juin, l'étoile de David bleue flotte dans le même sens que la bannière étoilée. Baruch, informaticien originaire de Brooklyn, se montre très cynique à l'égard du président Obama: «On ne peut pas lui faire confiance. Bien sûr, il se rendra cet été à Jérusalem pour rassurer l'électorat juif. Mais tout le monde sait qu'il a renoncé à la sécurité d'Israël. Il est trop naïf face à l'Iran. Il faut élire Romney, en novembre.»
En marge de la parade, les voix discordantes n'hésitent pas à se faire entendre. La parade fait office de caisse de résonance du conflit israélo-palestinien. Les juifs orthodoxes de Neturei Karta Hasidic défilent, chaque année, drapeau palestinien à la main. Beaucoup de New-Yorkais ne se retrouvent pas dans ces grands-messes nationalistes et religieuses. Symbole de la diversité, New York a vu naître, ces dernières années, des dizaines de parades culturelles aussi surprenantes qu'improbables. Parade de la danse, parade d'Halloween, parade des chiens, parade des idiots, parade de Thanksgiving... Avec un étonnant esprit de tolérance, New York s'est adapté à la multiplication des identités ethniques, religieuses et culturelles.

Cette profusion de parades ne fait pas l'affaire des autorités

La parade des Sirènes, qui a lieu en juin, à Coney Island, au sud de Brooklyn, est très en vogue. Ici, on n'a pas peur du ridicule. Charlotte, jeune danseuse du ventre professionnelle, s'est parée d'une tenue pour le moins osée. Parasol rose à la main pour se protéger du soleil de plomb, elle porte une longue perruque violette ondulée, surmontée d'une couronne d'étoiles de mer, et une combinaison en écailles turquoise. «J'adore cette parade! Tout le monde rivalise de créativité», se réjouit-elle. De Surf Avenue à la plage, on trouve les costumes les plus délirants. Entre le pirate, l'hippocampe, la pieuvre et le hot-dog, il y en a pour tous les goûts. «La tradition veut que l'on pince celui qui ne s'est pas déguisé», prévient Dan, qui a enfilé des pinces de crabe sur ses avant-bras.

Toutefois, la tolérance n'a pas toujours été de mise à New York. La première Gay Pride est née en 1969 dans le sillage d'une série d'émeutes lancées par les homosexuels, au lendemain d'un raid de la police contre le Stonewall Inn, bar gay emblématique de Greenwich Village. Reprise dans le monde entier, cette parade flamboyante et excentrique a longtemps été le point d'orgue du mouvement des droits civiques pour les homosexuels. Rebaptisée LGBT Pride (lesbienne, gay, bisexuel, transsexuel), elle n'attire plus autant les foules. «Les homosexuels recueillent les fruits de quarante ans de lutte. Le président Obama s'est déclaré en faveur du mariage homosexuel, déjà légalisé dans huit États dont New York. Forcément, on a moins besoin d'afficher sa fierté», observe John, ancien journaliste à la retraite.
Si cette profusion de parades fait la joie des New-Yorkais, ce n'est pas forcément le cas des autorités publiques. La mobilisation systématique des forces de police et des services de nettoyage ainsi que l'arrêt de la circulation sont très coûteux. Le 1er avril 2010, le Département de police annonçait sans rire des mesures draconiennes. Dorénavant, la distance des parades serait réduite de 25 % et leur durée ne devrait pas dépasser cinq heures. Afin d'aider la ville à réaliser 3,1 millions de dollars d'économies (2,5 millions d'euros), tous ont joué le jeu. Le maire, Michael Bloomberg, s'est empressé de cajoler les participants. Il est vrai que les parades sont une arme politique redoutable pour soigner sa cote de popularité. Celui-ci le sait mieux que quiconque. En février, il était là pour remettre les clés de la ville au capitaine des New York Giants, à l'occasion d'une parade organisée pour fêter la victoire de l'équipe en finale du championnat de football américain (Super Bowl). Le maire, dont on dit sur le ton de la plaisanterie qu'il passe tous ses week-ends aux Bermudes, sera aussi attendu en septembre à Brooklyn au carnaval des Caraïbes. Les couleurs de la Jamaïque seront présentes au côté de celles de Guyana, Haïti, Barbade et Trinidad et Tobago. Sur les chars de carnaval, tous danseront au rythme du reggae, du calypso et de la soca.
source : Le figaro

 

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